COMPRENDRE L'ELEVAGE FELIN
La loi du 6 janvier 1999 a réglementé l’élevage des animaux de compagnie. Aujourd’hui, les éleveurs félins, à partir de 2 portées vendues, doivent être déclarés auprès des services vétérinaires de leur département, passer le certificat de capacité et être déclarés comme exploitant agricole (n° siret). Les éleveurs qui ne font naître qu’une portée par an, conservent le statut de particuliers.
Cette loi a également réglementé le commerce des chats et des chiens. L’appellation « de race » est uniquement réservée aux chats et chiens possédant un pedigree reconnu par le ministère de l’agriculture. Ce pedigree doit obligatoirement être un pedigree LOOF pour les chats nés en France à partir de 1999.
Les chats et chiens n’ayant pas de pedigree, doivent obligatoirement être vendus sous la mention « de type » (ex, « de type siamois », « de type persan »). Le naisseur doit faire figurer son n° de siret s’il en possède un, et le cas échéant, doit indiquer le n° d’identification (puce ou tatouage) des chiots ou des chatons, à défaut celui de la mère. La cession d’un chaton ou d’un chiot est interdite si l’animal a moins de 8 semaines, et tout animal cédé à titre onéreux ou gratuit doit être identifié (puce électronique ou tatouage).
En Europe, 95 % des chats de race naissent dans des élevages dits "élevage en habitation" ou plus couramment, "élevage familial", c'est-à-dire des élevages possédant peu de chats, vivant au sein de l'habitation, en contact avec les membres de la famille et les autres animaux.
Les chatons grandissent donc dès leur naissance, dans un environnement qui sera le leur chez leurs futurs acquéreurs, et qui favorise une excellente socialisation et un parfait épanouissement (à comparer avec le chaton qui grandit dans une structure spécifique, en box, sera manipulé 30 mn par jour, n'entendra jamais le son d'un téléviseur ou d'un appareil ménager, et quittera sa fratrie à 8 semaines, lorsque sa socialisation nécessiterait 4 semaines supplémentaires auprès de sa mère et de sa fratrie). Les chatons élevés chez des éleveurs familiaux, partent à partir de l’âge de 3 mois. Ils sont non seulement parfaitement socialisés, mais en plus, complètement vaccinés (primo-vaccination à 2 mois + rappel à 3 mois).
L'élevage félin n'est pratiquement pas professionnalisé. C'est-à-dire que les éleveurs félins familiaux, ne vivent pas de cette activité. Il s'agit pour eux d'un loisir, exercé uniquement par passion, amour des chats et tout particulièrement d'une race féline à laquelle ils se consacrent. Ils ont le plus souvent une activité professionnelle autre, qui leur permet de vivre et d'assumer l'entretien de leur chatterie (vétérinaire, nourriture, expos, acquisition des reproducteurs). Car c'est une passion coûteuse.
L'éleveur familial possède donc un nombre de chats réduit, qui vivent avec lui dans son habitation, en liberté (à l'exception des étalons qu'il faut isoler un minimum, pour éviter les saillies accidentelles). Les chats vivent donc en famille, s'y épanouissent, sont choyés. Leurs chatons sont élevés de la même manière et l'éleveur choisira soigneusement leurs futures familles, refusera des ventes au besoin. Il ne poussera pas à la vente, l'élevage n'étant pas son gagne pain.
L'élevage félin familial est à la portée du plus grand nombre de gens, et il est tentant, lorsqu'on possède une chatte de race, de vouloir lui faire faire des chatons, pour le plaisir du pouponnage.
Si c'était aussi simple…
Tout d'abord, il ne faut pas perdre de vue, qu'un chat est un être vivant, et il ne faut donc pas jouer avec sa santé. La reproduction féline ne s'improvise pas et les erreurs arrivent très vite. Or le problème, c'est que les erreurs humaines sont payées par les chats, qui en sont les premières victimes…
Comment devient-on vraiment éleveur ?
La première motivation, est l'amour et l'attirance très forte qui se transforme en passion, qui nous poussent vers une race féline en particulier. Pourquoi cette race plutôt qu'une autre, ça ne se discute pas. On commence souvent par avoir acheté un chat de race pour la compagnie. Rapidement, on se met à dévorer tout ce qui a trait à cette race, et l'on découvre que l'on a envie d'aller plus loin.
C'est là que les choses se compliquent. Souvent le chat acheté à l'origine, est de compagnie, c'est-à-dire qu'il ne possède pas suffisamment de qualités morphologiques exigées par le standard de la race, qu'il pourrait transmettre à ses chatons. Cela n'en fait pas un chat laid pour autant, bien au contraire, et nul n'irait le confondre avec un chat de gouttière. Seulement voilà, si l'on veut faire naître des chatons de race, il y a une règle à respecter : La conformité au standard. Il faut donc faire de l’élevage avec des chats de qualité « reproduction » ou « exposition ».
Le chat de race parfait (c'est-à-dire conforme en tous points à son standard) est très rare. L'objectif, le challenge pour l'éleveur, est de faire naître un jour ce chat parfait. Pour cela, il va faire naître des chatons dans le cadre d'un programme d'élevage judicieux, non dans l'objectif d'en faire un commerce en les vendant, mais dans celui de créer ses propres lignées, en gardant les plus beaux chatons de ses portées, chatons qu'il fera ensuite reproduire, dans le cadre de mariages sélectionnés, dans l'objectif d'obtenir un jour, le chat parfait dans la race qu'il élève, issu de son travail et de ses efforts.
Cela n'arrive pas du jour au lendemain, cela peut même ne jamais arriver. On désigne cet objectif par "amélioration de race".
L'éleveur doit tendre vers la perfection car il n'est pas un marchand de chats ou un simple naisseur.
L'amélioration de la race, vise à faire naître, non seulement des chatons conformes à leur standard, mais également et surtout en bonne santé et sans tares génétiques(il existe comme chez les humains, des maladies génétiques, qu'il faut éliminer) et aussi, parfaitement équilibrés (le chat de race ne doit jamais être agressif !).
Pourquoi cette quête de perfection ?
Tout simplement parce que c'est le seul moyen pour perpétuer les races félines (et avec elle, la formidable biodiversité génétique et culturelle de nos animaux domestiques). Si on ne cherche pas à faire naître des chats répondant aux critères de leur standard, les races félines sont condamnées à disparaître.
Ne pas tenir compte des qualités des reproducteurs pour programmer un mariage, c'est au fil des générations, risquer de voir disparaître petit à petit les caractéristiques qui ont donnée lieu à la naissance des races félines, grâce au patient travail de sélection des premiers éleveurs.
Sélection ???
Eh bien oui, qui dit élevage, dit sélection :-) Ce mot effraye, certaines personnes pensant même parfois que cette sélection se fait purement et simplement par l'euthanasie des chatons les moins beaux ! Non, la sélection ne tue aucun chat, Dieu merci, au contraire, elle est dans l'intérêt même du chat à naître !
Expliquons un peu de quoi il s'agit :
En fait il ne suffit pas de mettre une chatte et un chat ensemble, de les laisser s'accoupler, pour se prétendre éleveur.
Prenons un exemple simple : Admettons que vous ayez une chatte siamoise. Elle a de très belles qualités, un corps tibulaire et élégant avec une longue queue très fine, des yeux bleus en amande magnifiques, un nez bien long et droit, mais hélas, ses oreilles sont trop hautes. Si vous la mariez à un mâle ayant lui-même un mauvais port d'oreilles, vous avez de fortes chances d'avoir des chatons qui auront eux-mêmes, un port d'oreilles encore plus médiocre. Il va donc falloir choisir pour votre siamoise, un mâle avec un très bon port d'oreilles, voire même, avec des oreilles très basses, afin de mettre le maximum de chances de votre côté, pour que les oreilles des futurs chatons ne suscitent de la part des juges en expo, que des commentaires élogieux :-) C'est de la sélection.
Bien sûr, dans la réalité, ce n'est pas aussi simple que ça. La correction des défauts morphologiques se fera souvent sur plusieurs générations. Dans le cas de cette siamoise, il ne sera sûrement pas évident de trouver le mâle parfaitement typé. Il aura peut-être lui-même quelques défauts, et il faudra donc, que les qualités de la femelle compense les défauts du mâle, et vice versa. C'est souvent un casse tête (mais si c'était facile, où serait le plaisir de l'élevage ?).
Ensuite, dans le choix du mariage, il va falloir veiller, toujours par la sélection, à reproduire avec des chats issus de lignées saines. Vos reproducteurs ne doivent pas être porteurs de tares génétiques. Ainsi, si vous élevez des persans (et même si vous voulez simplement faire une seule portée avec votre persane), vous ferez obligatoirement passer chaque année à vos reproducteurs, une échographie rénale, chez un spécialiste en imagerie médicale pour le dépistage de la PKD (maladie qui développe des kystes sur les reins et détruit la fonction rénale, entraînant plus ou moins vite, le décès du chat).
En sphynx, nous commençons à nous préoccuper très sérieusement des risques de cardiomyopathie hypertrophique… Maladie cardiaque déjà très répandue chez le maine coon, le persan et type persan, et les chats de gouttière, qui constituent le gros de la clientèle de la consultation cardiologique de l'Ecole Vétérinaire de Maison Alfort…
Pour d’autres races (abyssins, orientaux) le problème est l’amyloïdose, pour laquelle il n’existe pas de test de dépistage. Pour cette raison, il est nécessaire d’étudier soigneusement la généalogie (pedigree) et de recueillir des informations sur les ascendants, afin de s’assurer que les chats que l’on va faire reproduire n’appartiennent pas à une lignée à risques élevés.
Comme vous le voyez, l’élevage félin est une activité certes passionnante, mais non dénuée de complexité, qui nécessite un certain travail de recherche, sur le standard, les lignées, la génétique des couleurs, les avancées vétérinaires, et où le hasard n’a pas sa place. Faire reproduire des chats, c’est travailler sur du vivant. Cela doit se faire en toute connaissance de cause, avec une préparation soigneuse et impérativement, avec la prise en compte des critères de santé. Le bien être et la santé des futurs chatons en dépendent.
Souvent, on demande aux éleveurs pourquoi ils n’approuvent pas la reproduction chez des particuliers non éleveurs, désirant une portée pour leur plaisir.
La raison est simple, si vous avez lu les précisions ci-dessus, vous comprenez qu’avant de faire reproduire des chats de race, il est important de prendre en compte des critères, qui vont éviter à vos chatons d’avoir des problèmes de santé.
Il faut aussi veiller à ce que des petits défauts morphologiques présents sur les chats vendus pour la compagnie, défauts que le profane ne décèlent pas, mais qu’un juge ou un éleveur repèrent très vite, ne s’aggravent pas sur les chatons en raison d'un mauvais mariage.
Or, si un crochet au bout de la queue du chat ne pose pas de problème sur le plan esthétique et de santé, il traduit tout de même un problème osseux sur la colonne vertébrale. Si le chat porteur de ce défaut est marié avec un autre chat ayant aussi un problème de queue (ou simplement porteur), les chatons risquent d’avoir des problèmes osseux plus important.
Autre exemple : Si l’on marie une chatte légèrement prognathe (mâchoire supérieure plus longue que la mâchoire inférieure), avec un mâle lui-même prognathe, on va aggraver ce défaut sur les chatons, et certains auront peut-être des problèmes pour se nourrir correctement.
Il faut aussi tenir compte des risques de maladies génétiques, dont les tests sont coûteux.
Or, un particulier non éleveur, mal informé, n’est pas conscient de ces risques. De part les difficultés qu’il rencontrera pour trouver un étalon pour sa femelle, il devra se montrer moins exigeant sur le choix du mâle. Peu d’éleveurs prêtent leur étalon en saillie à des particuliers. Les saillies extérieures se font en général entre éleveurs qui se connaissent.
De plus, beaucoup de gens pensent que les chatons s’élèvent seuls, que la chatte elle-même met bas seule.
Malheureusement, et même chez les chattes de gouttière, une mise bas se déroule parfois mal. Un chaton qui reste coincé dans le vagin de la chatte, ou qui se présente par le siège et reste bloqué, une absence de contractions, un chaton qui naît inanimé, une chatte qui ne déchire pas les poches, sont des problèmes qui se présentent plus fréquemment qu’on ne le pense. Mieux vaut donc être préparé soigneusement à ces éventualités, et savoir agir, être conscient assez vite quand la présence du vétérinaire va être nécessaire pour une éventuelle césarienne. Sans parler des règles d'hygiène à connaître (désinfecter les cordons)
Il faut donc se rendre disponible pour la naissance, mais également, savoir que l’on peut être obligé de biberonner les chatons. Parfois en effet, la mère ne produit pas suffisamment de lait, ou bien, refuse carrément de s'occuper de ses chatons ! Dans ce cas là, il faut prendre le relais, et donner aux chatons un biberon toutes les 2 ou 3 heures, et ce, de jour comme de nuit, pendant une quinzaine de jours. Et c'est épuisant... Autant sur le plan moral (angoisse de ne pas sauver les chatons) que sur le plan physique (impossible de faire une nuit complète). Et biberonner une portée de 5 chatons, ne se fait pas en 15 mn...
L'élevage, ca coûte cher ?
Oh que oui ! Espérer en vivre est illusoire. Penser faire des bénéfices l'est presque autant.
L'achat des reproducteurs est coûteux. Un beau sphynx pour la reproduction, coûte au minimum 2000 euros. Certains persans importés des USA, ont coûté à leur propriétaire, parfois 3000 dollars !
Trouver un beau reproducteur nécessite du temps. On n'achète pas au hasard. Il faut connaître le standard, et parfois, convaincre l'éleveur de vous faire confiance. On peut chercher et négocier l'acquisition de ses premiers chats, pendant des mois ! Parfois en anglais (si l'on pense avoir trouvé son bonheur à l'étranger) et il faudra ajouter le coût des transports.
Il y a ensuite la nourriture. Un sphynx par ex, consomme environ 1 kg de croquettes par semaine... cela donne une petite idée du budget croquettes...
Il y a aussi les expos, qui permettent de prendre des contacts avec d'autres éleveurs, de montrer ses chats au public, d'avoir parfois l'avis du juge (utile pour un débutant), qui peuvent constituer un nouveau pôle de dépenses assez élevé.
Ensuite, les tests de dépistage des maladies génétiques. Une échographie cardiaque coûte environ 100 euros, à multiplier par le nombre de chats de sa chatterie. Il est aussi utile de faire des tests pour connaître le taux de coronavirus de ses chats (cf. dossier PIF).
On peut être amené à faire une saillie extérieure. Il faudra soit la payer, soit donner un chaton au propriétaire de l'étalon (un chaton de moins à vendre).
Les produits d'entretien qui permettent de désinfecter le matériel d'élevage, les sols ou l'air ambiant d'une pièce de son domicile, sont assez coûteux (une bombe désinfectante à base d'ammonium quaternaire coûte environ 16 euros, et on en fait une bonne consommation annuelle)
Les chats qui vivent en communauté ont plus souvent des petits problèmes vétos que les chats qui vivent seuls, ce qui nécessite des soins qui ne sont pas gratuits. L'éleveur est obligé de réagir très vite, donc, coûts vétérinaires qui peuvent grimper vite.
Le 2ème gros pôle de dépenses, après l'achat des reproducteurs, est l'élevage des chatons, la préparation de leur arrivée...
Par précaution, on fera passer à la mère une radio pour estimer le nombre des chatons à naître. Si au bout de plusieurs saillies, il n'y a pas fécondation, il faudra alors faire passer des tests (souvent chez un spécialiste, dans une école vétérinaire par ex). Si une naissance est confirmée, on fera aussi provision de lait maternisé et de colostrum, de compresses, d'alèses, de désinfectants, prévoir un tapis chauffant. Il faut acheter une nourriture spécifique pour la mère et les chatons au sevrage (plus onéreuse).
Si la mise bas se déroule mal, il faudra payer la césarienne (400 euros en moyenne). Quand les chatons vont à la litière et mangent des croquettes, le budget litière et croquettes explose. Et il n'est pas rare que les chatons tombent malades. Un courant d'air et ils s'enrhument, et ne parlons pas des diarrhées, fréquentes au sevrage, les chatons sphynx d'ailleurs, sont fragiles sur le plan gastrique.
Ensuite, il faudra vacciner et vermifuger les chatons, et les identifier par puce ou tatouage, et certains éleveurs stérilisent les chatons vendus en compagnie (à rajouter au coût des vaccins et de l'identification).... Et tant qu'ils ne sont pas vendus, ils restent à la charge de l'éleveur et occasionnent des dépenses.
Si l'on additionne donc, l'achat des reproducteurs, l'entretien et les soins vétérinaires des adultes,et des des chatons, l'achat de matériel d'élevage, le bénéfice sera maigre, et nul s'il survient un gros problème vétérinaire.
Quand (maigre) bénéfice il y a, l'éleveur est alors imposable... Et ce qui restera de ce bénéfice, sera ensuite englouti dans l'achat de nouveaux reproducteurs (un éleveur sérieux ne fait pas sans arrêt les mêmes mariages et doit faire entrer du sang neuf dans sa chatterie). Heureux sont les éleveurs dont la chatterie s'auto-finance. La plupart du temps, il est nécessaire de piocher dans le budget du foyer (d'où la nécessité d'avoir un travail rémunéré à côté).
L'élevage familial félin est donc une passion ouverte à tous pour peu qu'on ne se lance pas dans cette activité sans préparation, sans avoir pris soin d'acquérir des connaissances félinotechniques, d'avoir effectué des recherches sur les lignées de la race que l'on souhaite élever, et d'en connaître le standard pour établir un programme d'élevage et définir des objectifs, avec impérativement pour premiers objectifs, l'intérêt de la race, indissociable du respect et du bien-être de ses chats.
L'élevage familial félin est donc une activité qui se pratique avec passion, à titre amateur (à but non lucratif), mais avec professionnalisme.
Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas, je vous répondrai volontiers.
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